Gangsta Mamie Livre Telecharger

Un fumet de chou — Mais mamie est vraiment trooooop barbante, se lamenta Ben. Cette conversation se déroulait en novembre, par un vendredi soir glacial. Tu nous as déjà dit, je cite : « Plutôt manger mes crottes de nez que regarder ces âneries. Imagine, tu aurais peut-être une chance de passer un jour dans Master Danse! Maman poussa un petit gémissement et prit un mouchoir en papier. Maintenant, sois gentil et tais-toi un peu, répondit fermement papa en montant le son du lecteur de CD. Il écoutait évidemment la « compilation officielle » de Master Danse ; le boîtier du disque était titré « Les 50 plus grands succès du fameux concours de danse! Sa mère travaillait dans un salon de soins des ongles, Chez Manu la Manucure. Le père de Ben, pour sa part, était vigile au supermarché du coin. Sa mamie était là, à le guetter avec impatience par la fenêtre du salon. Et attendre. Elle attendait toujours son arrivée à la fenêtre. Depuis la semaine dernière? Clac, fit la portière en se refermant derrière lui tandis que le moteur se remettait à gronder. Une énorme bouffée de chou vint le frapper au visage. Encore une chose que Ben ne supportait pas chez elle : elle lui parlait toujours comme à un bébé. Vroum vroum vrouuuuuuuummmm.

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Allez entre, va. Ben se renfrogna encore plus. Oh, nooooooooooon! Comme un coin-coin de canard Très peu de temps après, tous deux étaient déjà assis face à face à la table de la salle à manger, dans un silence de mort. Comme tous les vendredis soir. Ils sentaient le chou pourri. Cela faisait dix minutes que Ben touillait le breuvage vert pâle dans son bol ébréché en espérant le voir disparaître par miracle. Et maintenant, en plus, le breuvage en question refroidissait. Tic tac tic tac. Ting ting. Précisément LE sujet dont ils ont horreur de parler. Tic tac ting ting siiiiiiiffle tic tac. Je te prépare ta tarte au chou préférée.

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Elle se leva lentement de sa chaise et se dirigea à petits pas vers la cuisine. Cela faisait comme un coin-coin de canard. Les livres qui parlaient de gangsters, de pilleurs de banques, de la mafia, ce genre de choses. Il y avait là des voitures de sport, des pistolets, des dames très sexy, et Ben avait du mal à croire que sa vieille mamie barbante puisse apprécier des histoires apparemment si palpitantes. Pourquoi est-elle obsédée par les gangsters? Pourtant, ils ne vivent pas dans des pavillons. Ils ne jouent pas au Scrabble. Et ils ne sentent sûrement pas le chou. Enfin, après un instant épineux où il faillit renverser une pile de récits criminels vécus, Ben atteignit le pot de fleurs qui se trouvait dans le coin. Il y versa prestement le reste de sa soupe. Et avec un grand sourire, elle lui resservit un bol entier. Ben déglutit de terreur. Depuis tout petit, Ben avait toujours adoré la plomberie. Étant donné ces circonstances, Ben tâchait de vivre sa passion en secret. Pour éviter de faire de la peine à ses parents, il cachait ses numéros de Plomberie Hebdo sous son matelas. Et il avait passé un accord avec Raj : chaque semaine, le marchand de journaux lui mettait un exemplaire de côté. Il régnait toujours dans la boutique de Raj un désordre indescriptible, et pourtant les clients y venaient de très loin, car le marchand de journaux parvenait toujours à leur donner le sourire. Accroche-toi : pour vingt-trois Cornetto achetés, un Cornetto gratuit! Pourquoi êtes-vous si pressé de vous en débarrasser? Une brume glacée envahit immédiatement la boutique.

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Ben observa attentivement le carton. Il est ici! Mon Plomberie Hebdo! Le magazine est publié le mardi, et nous sommes vendredi. Une offre pareille, cela ne se refuse pas! Très bien. Ce qui te fait trois rouleaux absolument gratuits! Je dois encore aller dormir chez ma rasoir de grand-mère ce soir. Ben eut instantanément honte. Moi-même, je ne suis plus tout jeune, tu sais. Nous serons tous vieux un jour. Même toi. Et je suis certain que ta grand-mère a un secret ou deux que tu ignores. Les vieilles personnes en ont toujours.

Cette soirée-là se déroula comme toutes les autres. Elle dénicha même dans un coin quelques petits chocolats à la liqueur de chou1. Super, songea Ben. Cette soirée va être encore un million de fois plus barbante que celle de la semaine dernière! Car il haïssait le Scrabble. Ben soupira. Il avait déjà posé les mots suivants :. Il avait un U, deux N et un E. Un gros dodo! Au lit! La vieille dame pouvait être assez autoritaire quand elle le voulait. Je viendrai te raconter une histoire, si tu veux. Tu as toujours aimé les histoires avant de dormir. Un peu plus tard, Ben était devant le lavabo. La salle de bains était une pièce humide et froide, sans fenêtre. Ben détestait se brosser les dents. Il fit donc semblant. Presque aussi simple que se brosser les dents. Ben se regarda dans la glace. Il avait onze ans, mais il aurait bien aimé en avoir un peu plus.

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Il se haussa sur la pointe des pieds : il lui tardait terriblement de grandir. Encore quelques années, et il serait moins petit, plus poilu, plus boutonneux ; ses vendredis soir seraient bien différents, alors. À lui toutes ces choses excitantes que font les adolescents des petites villes le vendredi soir! Dans un petit lit dur, dans une petite chambre humide, dans le petit pavillon délabré de sa grand-mère. Ce pavillon qui sentait le chou. Au même moment, sa mamie ouvrit doucement la porte de sa chambre. Vite, il ferma les yeux et fit semblant de dormir. La vieille dame lui en avait souvent raconté, des histoires, quand il était petit : des histoires de pirates, de contrebandiers et de gentlemen cambrioleurs. Mais il était trop grand pour ces gamineries. Bonne nuit, mon petit Benny. Et « petit ». Les vieux poils durs de son menton lui piquèrent désagréablement la joue. Ça suffit, pensa Ben. Les ronflements de sa grand-mère. Elle dormait. Un air de jazz résonnait fort dans le fond. Tout va bien? Ne me dis pas que la vieille chouette a cassé sa pipe? Vous ne pouvez pas venir me chercher? Je vous en supplie!Je veux rentrer à la maison. Mamie est tellement barbante! Ben entendit des bruits étouffés, le temps que ce dernier prenne le téléphone. Parle moins fort, tu vas réveiller mamie. Sur ces mots, il raccrocha. Ben remit soigneusement le combiné en place, et le téléphone émit un tout petit ding! En regardant derrière lui, il crut apercevoir une ombre, mais celle-ci disparut aussitôt. Taraudé par un sentiment de culpabilité, il remonta dans sa chambre et attendit, attendit, attendit le matin. Au petit déjeuner, sa grand-mère semblait changée. Plus silencieuse. Plus âgée, peut-être. Un petit peu cassée. Ses yeux étaient rouges, comme si elle avait pleuré.

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Elle resta à côté de la cuisinière pendant que Ben était assis à la table de la cuisine. Jouer au Scrabble toute seule. Lire un livre. Mardi : Faire de la soupe au chou. Lire encore un livre. Mercredi : Préparer un « chocolat surprise » pour le dessert. Jeudi : Suçoter une pastille Vichy toute la journée. Elle pouvait les faire durer une éternité. Vendredi : Continuer de sucer la même pastille Vichy. Visite de mon petit-fils adoré. Samedi : Départ de mon petit-fils adoré.Repos dans mon fauteuil. Dimanche : Manger un rôti de chou, avec du chou braisé et un peu de chou bouilli en garniture. Péter du matin au soir. Plus que quelques minutes. Ces minutes ressemblaient à des heures. Des jours, même. Des mois! Une minute peut en effet durer très longtemps. Tu ne me crois pas, lecteur? Alors assieds-toi tout seul sans rien à faire et compte soixante secondes. Ça y est? Je ne blaguais pas! Je veux vraiment que tu essaies. Je te préviens, je ne continuerai pas mon récit tant que ce ne sera pas fait. Si tu veux perdre ta journée, libre à toi. Bon, ça y est? Revenons à nos moutons. Juste après 11 heures, la petite auto marron se gara devant chez la vieille dame.

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Bon sang, Ben, dépêche-toi un peu! Je ne veux pas me retrouver obligée de bavarder avec la vieille. Elle emballa le moteur. Sa mère pouffa de rire et ils se hâtèrent de sortir du lotissement Tougris. Ta mamie est un peu toc-toc, tu sais. Elle ne comprend sans doute pas la moitié de ce que tu dis. Ben fronça les sourcils. Pas du tout, même. Il se rappelait la tête de sa grand- mère au petit déjeuner. Il y avait un dossier passionnant, abondamment illustré de photos en couleur, qui montrait comment installer les pompes à chaleur de dernière génération. Sa grand-mère leva la tête et sourit en le voyant. Le lendemain matin, un silence épais régnait dans la pièce. Sa grand-mère était capable de rater même les plats les plus simples. Elle sortit de la pièce à petits pas en faisant coin-coin. Il savait que sa mamie avait une réserve secrète de biscuits au chocolat, cachée tout en haut du placard. Il se servait aussi de temps en temps sans rien demander, lorsque les festins de chou de sa grand-mère le laissaient affamé comme un loup. Il souleva la boîte en fer commémorant le jubilé royal de , sur laquelle on voyait un portrait éraflé et décoloré de la reine Élisabeth toute jeune.Elle était lourde, cette boîte. Ben la secoua un peu. Elle ne faisait pas un bruit de biscuits. On aurait plutôt dit un bruit de cailloux ou de billes. Encore plus bizarre. Ben souleva le couvercle. Et il en resta baba. Il regarda, médusé. Et regarda encore. Des diamants! Soudain, il entendit revenir le coin- coin de la vieille dame. Si cela séchait, sa grand-mère devrait le décoller au chalumeau. Mamie rentra dans la cuisine, vêtue de ses trois cardigans superposés. Cancanant toujours du derrière. Ton papa et ta maman ne vont pas tarder, dit-elle avec un sourire. Qui glissa dans sa gorge. Bêrk, bêrk et rebêrk. Brouillé, cette fois. Des sacs de crottin — Je peux retourner dormir chez mamie ce soir?